Né des cendres d’une boule en feu, notre début est microscopique, à peine visible. Mu par quelque énergie mystérieuse, une masse de tissus sans forme prend graduellement une forme reconnaissable, une miniature minuscule qui deviendra un jour un homme, une femme pleins de confiance en eux et prêts à conquérir le monde. Aucune agonie ni souffrance, aucun nombre de morts et désastres, tortures, prison, échec ou catastrophe ne peut arrêter son esprit indomptable. Déchu, mutilé, coupé en morceaux son âme espère et lutte pour s’emparer de la couronne d’immortalité des mains du destin. Une poupée de porcelaine fragile, jamais découragée, se jette contre les portes massives cachant sa destinée, bloquant son passage, se casse en mille fragments. Ramassant ses os brisés, naissance après naissance, vie après vie, il se bat pour une position stable, un rayon de la vraie lumière, une gorgée du soma, l’étreinte profonde d’un amour durable et satisfaisant. De temps en temps comme un chien il reçoit quelques miettes de la table des Dieux de l’Olympe. Sa faim devient féroce et toute logique jetée par dessus bord. Un feu intérieur le consume jour et nuit. Dans un moment de grâce il découvre qu’il est le fils de la Mère toute puissante, pas moins que les dieux resplendissants. Il sait que ses faiblesses sont effacées par une omnipuissance invincible, que sa connaissance obscure est illuminée par une étoile géante, que son âme est une étincelle de Dieu qui marche à ses cotés, est étendu sous ses pas supportant son poids. Quand il se bat pour enlever le filet qui l’emprisonne la main secourable de Dieu est toujours là. Quand il titube dans la nuit, Dieu mène le chemin avec une lampe brillante. Quand il crie de peine ou de désespoir les mains aimantes de Dieu caresse ses blessures et mettent du baume sur son cœur en sang.
Le vrai chercheur sait qu’il est un bateau et Dieu le capitaine, qu’il est une rose et Dieu le parfum merveilleux, qu’il est une demeure et Dieu le propriétaire. Admis dans une vaste liberté spirituelle, de naissances en morts il rentre et sort de la maison de vie comme requis par le déroulement du jeu. Il vit pour la Mère toute puissante, à son service, à jamais soutenu par l’influx de félicité de son amour et grâce.

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Niranjan Guha Roy 1983