Tous les jours Il travaille sur une immense toile accrochée au ciel.
Des ages défilent, chacun laisse sa trace dans le tableau géant.
Le Peintre reprend ses brosses et ses couleurs avec la même joie invariable.
Les ombres deviennent légères, le choc des couleurs moins brutal.
Les coups de pinceau sont moins hachés, on dirait qu’ils dansent.
Le décor change tout le temps à tel point que l’ hier est déjà inexistant.
Toujours en avant, frénétique, le peintre court pour attraper l’avenir.
L’Univers d’hier est englouti dans la nuit irrécupérable.
Le demain avec ses surprises inattendues arrive tellement vite.
Pourtant à n’importe quel moment, c’est un tableau achevé.
Rien à désirer, rien n’y manque, toujours une prise de vue parfaite.
A tout moment le nouveau tableau disparaît dans le Néant.
Le Demain dans son cortège amène des révélations éblouissantes.
Les rires, les pleurs, les luttes et les victoires d’hier sont périmés.
On ne peut jamais faire marche arrière, on est loin en avant.

Le peintre ne se lasse pas de défouler ses rêveries sur la toile.
L ’Hier, est ce que c’était seulement à vingt quatre heures d’ici ?
Ou à un an, cent ans, mille ans ou à des milliards d’années ?
Qu’importe ! Chaque instant glisse dans un abîme de nuit.
L’avenir n’est pas inventé hors du rien, il existe dans le passé.
Le présent n’est qu’un pont lumineux sur le ruban mobile du Temps.
Tous les tableaux imaginables sont enfermés dans le rêve, l’Idée Réelle,
Dans un seul point sans espace ni temps de l’Unique, du Brahman
Qui se déferle, inépuisable, imprévisible dans la manifestation éternelle.
Le Peintre dévoile son existence dans chaque tableau, raconte sa vie.

Mais qui a jamais saisi son vrai visage ? Son tableau n’est jamais terminé.
Pourtant Il est tellement présent… cette revue mystique sans fin,
Des milliards de visages et de regards… Ses reflets innombrables fugitifs.
Nous restons muets devant le Mystère d’une Beauté, d’une Béatitude !


N.Guha Roy 2001